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Le Transport de Marchandises : Vers un Fret Durable

Tout ce que nous consommons, échangeons ou possédons en tant que biens matériels repose sur un vaste et complexe réseau de transport : le fret. Ce sujet est incontournable dans le cadre du plan de transformation de l’économie française.



Pour comprendre les enjeux, il est essentiel de se pencher sur le rapport du Shift Project intitulé « Assurez le fret dans un monde fini ». Ce rapport met en lumière l'importance de préserver le climat, car le transport de marchandises représente environ 9 % des émissions de gaz à effet de serre en France et un tiers des émissions liées aux transports en général. Cette situation est aggravée par la montée en puissance du transport routier, qui a presque triplé en l'espace de 60 ans, augmentant sa part de marché de 34 % à 90 %, au détriment du rail et des voies fluviales. Cette tendance s'est encore intensifiée ces dernières années avec l'explosion du commerce en ligne. En conséquence, contrairement à d'autres secteurs inclus dans le plan de transformation de l'économie française, le fret n'a pas encore amorcé de réduction significative de ses émissions depuis 1990.


Ainsi, nous sommes encore loin des objectifs fixés par la stratégie nationale bas carbone, qui vise une réduction de 28 % des émissions d'ici 2030 et la neutralité carbone d'ici 2050. En plus de son impact sur le climat, cette trajectoire carbonée accentue la dépendance au pétrole, dans un contexte où les approvisionnements européens se réduisent. Il est donc urgent d'agir pour garantir l'approvisionnement d'une population française de plus en plus urbaine. Il ne faut pas oublier que le transport de marchandises est un secteur vital de notre société, assurant l'approvisionnement indispensable, même en cas de crise, comme une pandémie.


Le fret est également un secteur sensible, car il est directement impacté par la décarbonation des autres secteurs économiques. Par exemple, dans l'agroalimentaire, la consommation locale et la déspécialisation des régions réduisent le transport de produits agricoles. Dans le secteur automobile, la baisse des ventes de voitures neuves diminue la demande de transport de véhicules neufs. De plus, l'augmentation de la durée de vie de certains objets réduit également les besoins de transport. Ces exemples illustrent bien le caractère systémique du plan de transformation de l'économie française.

Ainsi, la décarbonation du transport de marchandises est un voyage au long cours, nécessitant une préparation sérieuse. Le Shift Project a identifié cinq leviers majeurs à activer au cours du prochain quinquennat pour atteindre ces objectifs. Passons maintenant au premier grand levier de cette décarbonation.

 

Levier 1 : Retour aux rails et aux voies navigables

Priorité à la décarbonation des modes de transport alternatifs

Il est clair que tous les modes de transport alternatifs au transport routier thermique permettent de réduire les émissions de carbone. Le premier levier consiste donc à privilégier autant que possible le transport ferroviaire et fluvial.


Les avantages du rail et du fluvial

Quelques chiffres illustrent l'impact potentiel de ce changement : un train peut remplacer 40 camions de 40 tonnes tout en émettant 11 fois moins de CO₂ par tonne-kilomètre. Du côté fluvial, une barge de type Grand Rhénan, capable de transporter plus de 3 000 tonnes de marchandises, peut remplacer 100 camions tout en émettant 2 à 5 fois moins de CO₂ par tonne-kilomètre.


Objectifs de transfert modal pour 2050

Il est possible d'inverser la tendance et d'augmenter la part du rail et du fleuve dans le transport de marchandises au niveau national. Le Shift Project estime qu'en 2050, la part du transport ferroviaire pourrait doubler et celle du transport fluvial tripler par rapport à 2020.


Optimisation des infrastructures existantes

La bonne nouvelle est qu'il n'est pas nécessaire de développer massivement de nouvelles infrastructures, car le réseau actuel a la capacité d'absorber un volume de flux beaucoup plus important. Un investissement ciblé et intelligent est cependant nécessaire pour éviter la congestion.


Création de bases logistiques et pôles intermodaux

Il faut d'abord prévoir et installer des bases logistiques à différents niveaux pour organiser les flux autour du rail et des voies navigables. Ces nouveaux pôles intermodaux doivent être soutenus par des infrastructures ferroviaires (comme des voies de contournement) et fluviales (notamment le canal Seine-Nord Europe et les liaisons rail-route) pour atteindre les objectifs de transfert.


Révision des usages et priorités

Une révision des usages de ces modes de transport sera également essentielle. Pour le ferroviaire, cela implique de prioriser le fret par rapport aux passagers et de minimiser l'impact des travaux d'entretien sur la fluidité du réseau.


Réglementation et obligation de report modal

La réglementation jouera un rôle clé en rendant obligatoire le report modal là où c'est possible, en fonction de la distance et du type de marchandises transportées. Par exemple, l'utilisation du rail ou du fleuve pourrait être imposée pour les marchandises lourdes et non périssables.


Facilitation de l'intermodalité

Il serait également judicieux de généraliser l'utilisation de conteneurs standards pour faciliter l'intermodalité et de réduire la vitesse autorisée des véhicules routiers, poids lourds inclus.


Poids-lourds électriques en zones non desservies

Dans les zones où le report modal est impossible, les poids lourds électriques devront assurer le transport. Cependant, cela implique de revoir les cadences de transport.


Réduction des cadences de transport

En effet, la décarbonation est incompatible avec les flux tendus, ou "just in time". Pour réussir cette transition vers une réduction des émissions de CO₂, le stockage des marchandises devra redevenir une composante essentielle du système logistique.


Levier 2 : Optimisation du Transport Routier

Le défi du transport routier en 2050

Même en 2050, le transport routier restera le mode dominant dans le transport de marchandises. L'enjeu est donc de le rendre plus efficace et moins polluant, notamment en augmentant le taux de remplissage des camions.


Mutualisation des flux et trajets

Il est essentiel de mutualiser systématiquement les flux et les trajets, autrement dit, de ne plus travailler de manière isolée. Par exemple, si deux sociétés de transport doivent livrer des colis dans une même zone, elles doivent regrouper ces colis pour maximiser l'utilisation des véhicules.


Réduction des cadences de livraison

Il sera nécessaire de réduire les cadences de livraison. Cela signifie que certaines livraisons, comme celle de votre téléphone reconditionné, pourraient prendre un peu plus de temps à arriver.


Accompagnement des acteurs du secteur

Il est important d'accompagner les acteurs du secteur et de généraliser les bonnes pratiques. Par exemple, le Shift Project propose de contrôler le remplissage des camions en mètres cubes plutôt qu'en mètres carrés, comme c'est souvent le cas aujourd'hui, et de suivre la consommation d'énergie par tonne-kilomètre transportée.


Contrôles routiers et technologies embarquées

Ces contrôles pourraient être effectués de manière simple, par exemple par des inspections routières comme celles autrefois réalisées par les douanes. Une approche plus technologique impliquerait l'utilisation de dispositifs connectés, tels que les boîtes noires, pour un suivi plus précis de la consommation d'énergie et de l'efficacité du transport.


Amélioration de l'efficacité énergétique des poids lourds

En ce qui concerne la consommation unitaire d'énergie par les poids lourds, plusieurs pistes prometteuses sont à explorer. Améliorer l'aérodynamisme des camions, augmenter leur capacité de charge avec des doubles remorques, ou encore limiter la vitesse maximale des poids lourds à 80 km/h au lieu de 90 km/h sur route sont autant de mesures envisageables.


Réduction des émissions de CO₂ grâce à la limitation de la vitesse

Abaisser la vitesse maximale des poids lourds permettrait de réduire la consommation de carburant et les émissions de CO₂ de 5 % en moyenne, contribuant ainsi à rendre le transport routier plus respectueux de l'environnement.

 

Levier 3 : Electrification des Véhicules

La nécessité de l'électrification routière

La règle à suivre est simple : à terme, tout véhicule roulant sur la route doit être électrique. L'avantage est clair : en France, un camion électrique émet cinq fois moins de CO₂ que son équivalent thermique, en tenant compte de l'ensemble de son cycle de vie.


Investissements dans la filière des batteries

Pour les poids lourds, il est crucial d'investir dans la filière nationale de production et de recyclage des batteries. Cet investissement est essentiel pour soutenir une électrification massive et efficace du transport routier.


Rôle de la réglementation et du retrofit

La réglementation doit jouer un rôle moteur en offrant des incitations et en imposant des contraintes d'émission. Par exemple, le "retrofit", ou conversion de motorisation thermique en électrique, pourrait être autorisé pour moderniser le parc de véhicules existants.


Adaptation des véhicules neufs

Les véhicules neufs doivent être adaptés aux nouvelles infrastructures, notamment en limitant la taille des batteries pour les camions destinés à des trajets relativement courts. Cette approche permet de mieux répondre aux besoins spécifiques du transport routier tout en optimisant l'efficacité énergétique.


Développement des infrastructures de recharge

Du côté des réseaux, il est essentiel de cibler les itinéraires saturés ou dépourvus d'alternatives fluviales ou ferroviaires. Un maillage de bornes de recharge rapide et un réseau structurant d'autoroutes électriques doivent être développés pour soutenir l'électrification des véhicules.


Limitation de la taille des batteries

La réduction de la taille des batteries est une priorité pour limiter la demande en matières premières, maximiser l'efficacité énergétique, et éviter une "course à l'armement" en termes de capacité de batteries, observée dans les véhicules privés.


Électrification des trains et modernisation du transport fluvial

L'électrification des trains à moteur thermique, bien que moins urgente, reste utile. Pour le transport fluvial, la priorité sera donnée à la modernisation de la flotte et à l'adaptation aux biocarburants, plutôt qu'à l'électrification massive.


Impact environnemental du transport fluvial

Le transport fluvial, déjà bien moins émetteur que le routier thermique, nécessite moins de décarbonation immédiate. Sa modernisation contribue à la réduction des émissions de CO₂ sans nécessiter de changements technologiques majeurs.


Levier 4 : Décarbonation du Dernier Kilomètre

Le "dernier kilomètre" désigne le dernier segment de la chaîne de distribution des marchandises, celui qui se termine par la livraison au consommateur final. Bien que ces trajets soient généralement courts, ils sont souvent les plus polluants et les plus complexes à organiser, notamment en milieu urbain. Pour répondre à ces défis, trois chantiers principaux sont nécessaires.


Premier chantier : Mutualiser les chargements des transporteurs en ville.

Même lorsque les expéditeurs sont différents, il est essentiel de regrouper les livraisons. Par exemple, si deux sociétés de transport doivent livrer des colis à un habitant du 3e arrondissement de Lyon, elles devront déposer ces colis dans un centre de mutualisation urbain. Les colis y seront regroupés et livrés par un seul coursier, ce qui permet de réduire la taille des flottes de véhicules et les kilomètres parcourus. Pour faciliter cette mutualisation, les agglomérations devront allouer des espaces pour la création de ces centres logistiques, chacun desservant une zone bien définie avec sa propre flotte de véhicules.


Deuxième chantier : Améliorer l'efficacité et la transparence du fret lié au commerce en ligne.

Avec l'explosion du commerce en ligne, une multitude de modes de livraison et de réseaux de distribution sont apparus, entraînant une augmentation des camionnettes diesel, souvent sous-utilisées, circulant en ville. Pour réduire l'empreinte carbone de ces livraisons, le Shift Project propose d'inciter les acteurs du fret à adopter de bonnes pratiques par le biais d'une certification de leurs efforts de décarbonation. En outre, il est crucial d'électrifier rapidement leur parc de véhicules utilitaires légers. Enfin, les distributeurs du commerce en ligne devront être tenus de communiquer les informations environnementales liées à la livraison et d'afficher des prix séparés pour les produits, la livraison rapide, et les échecs de livraison, afin de rendre visibles les coûts cachés en termes de carbone.


Troisième chantier : Développer la cyclo-logistique.

Dans les zones urbaines denses, où les conditions de circulation et les courtes distances rendent les véhicules légers particulièrement adaptés, la cyclo-logistique prend tout son sens. Qu'il s'agisse de triporteurs, de cycles cargo ou d'autres véhicules à pédales, ces engins, avec ou sans assistance électrique, deviennent des piliers de la livraison décarbonée. La consommation d'énergie pour une tonne transportée sur un kilomètre est dix fois moindre par rapport à un utilitaire léger électrique, et les gains sont encore plus significatifs comparés à un véhicule diesel. Pour promouvoir la cyclo-logistique, plusieurs actions sont nécessaires :

  • Étendre les infrastructures cyclables.

  • Réduire la vitesse générale de circulation en ville.

  • Augmenter la puissance des cycles à assistance électrique.

Enfin, des plateformes de transfert de marchandises, permettant de passer des camions aux vélos, devront être créées au cœur des agglomérations.


Levier 5 : Instaurer une Gouvernance du Fret pour la Décarbonation

Jusqu'à présent, nous avons principalement abordé les efforts attendus des acteurs privés du transport de marchandises. Cependant, le rapport encourage vivement l'État et les collectivités à mettre en place une véritable gouvernance territoriale du fret. Par gouvernance, le Shift Project entend un pilotage concerté mais déterminé du secteur.

Une bonne gouvernance, en amont de la chaîne, consiste à définir et à piloter les orientations nationales décrites dans les propositions précédentes, tout en veillant à l'implantation cohérente des sites logistiques multimodaux à travers le territoire. Concrètement, cela passe par des actions précises :


Création d'un ministère de la logistique

Ce ministère serait chargé de stimuler et de coordonner les efforts de décarbonation aux différents niveaux administratifs.


Mise en place d'une gouvernance territoriale du fret orientée vers la réduction du carbone

Cette gouvernance aurait pour mission d'autoriser ou non l'exploitation de sites logistiques en fonction de leur impact sur les émissions de CO₂.


Renforcement des schémas régionaux et locaux d'aménagement 

Les schémas d'aménagement existants doivent devenir des outils plus prescriptifs, visant à aboutir à des autorités organisatrices du fret, à l'image des autorités organisatrices de la mobilité des personnes. Les plans locaux d'urbanisme (PLU) seraient également adaptés pour répondre aux nouveaux besoins, notamment ceux liés à la cyclo-logistique.


Création d'instances de concertation

Pour garantir la pertinence des décisions prises, des instances réunissant toutes les parties prenantes, des élus aux usagers, seraient établies. Ces instances s'appuieraient sur des données fournies par les acteurs de terrain.


Développement de labels nationaux de transport durable

Ces labels seraient attribués sur la base de déclarations fréquentes et contrôlées des émissions des différents acteurs du secteur.


Formation et sensibilisation

Le Shift Project propose de créer une habilitation "énergie-climat" pour les dirigeants des entreprises de fret, qui serait obligatoire pour l'obtention de la licence de transport. Les chauffeurs d'utilitaires, quant à eux, seraient tenus de suivre une formation à l'éco-conduite, déjà existante pour les conducteurs de poids lourds. Ces pratiques permettent de réaliser des économies d'énergie d'environ 10 %.


En somme, la mise en place d'une gouvernance efficace et structurée est essentielle pour coordonner les efforts de décarbonation du transport de marchandises à l'échelle nationale et territoriale, tout en soutenant les initiatives locales et en garantissant une transition harmonieuse vers des pratiques plus durables.


Conclusion : Un Virage Nécessaire Vers un Transport de Marchandises Durable


Le secteur du transport de marchandises est à un tournant décisif. Les défis environnementaux et économiques imposent une transformation profonde et rapide, intégrant l'ensemble des acteurs, des entreprises privées aux collectivités publiques. Les cinq leviers explorés dans cet article montrent que la décarbonation du fret est non seulement possible, mais indispensable pour atteindre les objectifs climatiques fixés par la France.


Le retour au rail et au fluvial, l'optimisation du transport routier, l'électrification des véhicules, la décarbonation du dernier kilomètre, et l'instauration d'une gouvernance territoriale du fret ne sont pas des mesures isolées, mais des composantes interdépendantes d'une stratégie globale. Cette stratégie doit être soutenue par des investissements ciblés, une réglementation adaptée, et une coordination efficace entre les différents niveaux de décision.


La transition vers un transport de marchandises durable est un voyage au long cours, nécessitant une mobilisation collective et des innovations constantes. Toutefois, les bénéfices attendus en termes de réduction des émissions de CO₂, de moindre dépendance aux énergies fossiles, et d'amélioration de la qualité de vie en milieu urbain sont autant de motivations pour poursuivre sur cette voie. Il est temps d'agir résolument pour que le fret devienne un moteur de la transition écologique et non plus un frein.

En prenant les décisions justes aujourd'hui, nous pouvons créer un avenir où le transport de marchandises est à la fois efficace, résilient et respectueux de l'environnement. Le chemin est tracé, il ne reste plus qu'à le parcourir.


 

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Sources :🔗 Liens - Pour aller plus loin :


A lire :


  • Le rapport :

    • Présentation : Ce rapport, publié par le Shift Project, s'inscrit dans le cadre du Plan de Transformation de l'Économie Française (PTEF). Il propose une série de leviers et d'actions concrètes pour décarboner le secteur du transport de marchandises en France. En s'appuyant sur des analyses détaillées et des projections pour 2050, le rapport met en avant l'importance de privilégier des modes de transport moins polluants, comme le rail et le fluvial, tout en optimisant le transport routier et en électrifiant les véhicules. Il souligne également la nécessité d'une gouvernance coordonnée et d'une implication des acteurs publics et privés pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO₂.

    • Lien vers la synthèse du rapport : https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2022/01/PTEF-Decarboner-lindustrie-SYNTHESE.pdf

    • Lien vers le rapport : https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2022/01/PTEF-Decarboner-lindustrie_-Rapport-final.pdf


  • Le livre : Le plan de transformation de l'économie française de The Shift Project - ISBN 978-2-7381-5426-2


A regarder :


  • La vidéo de présentation du rapport :



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