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Métaux critiques : État des lieux sur les différents risques et besoins dans le contexte géopolitique actuel.

Saviez-vous que l'extraction de matériaux a réduit la circularité mondiale de 9,1% en 2018 à 7,2% en 2023 ? Notre économie mondiale dépend presque exclusivement de l'extraction de nouveaux matériaux ! Chaque année, l'humanité utilise 100 milliards de tonnes de ressources et 93% de ces ressources ne sont ni recyclées, ni réintégrées (source en bas de page). Alors que la course aux technologies de pointe s'accélère, la maîtrise des métaux critiques et stratégiques devient non seulement un enjeu industriel, mais aussi un levier de puissance géopolitique.


Dans un monde en pleine transition énergétique et technologique, les métaux critiques et stratégiques sont devenus des ressources indispensables pour de nombreux secteurs industriels. Leur importance croissante est exacerbée par un contexte géopolitique tendu, marqué par des rivalités économiques, des sanctions internationales, et des défis environnementaux de plus en plus pressants. Cet article explore les différents risques et besoins associés à ces ressources vitales, en mettant en lumière les enjeux auxquels les industriels français et européens doivent faire face. Qu'il s'agisse de l'approvisionnement en métaux rares, des stratégies géopolitiques des grandes puissances comme la Chine, ou encore des nouvelles régulations imposées par les gouvernements, les défis sont nombreux et complexes, exigeant des réponses stratégiques adaptées pour garantir la pérennité des industries.


§1 - Définitions, utilisations & productions

1. Distinction entre ressources et réserves

Il est essentiel de bien différencier les ressources des réserves.


Les réserves représentent les quantités de roches identifiées et validées par des études géologiques approfondies. En revanche, les ressources sont classées selon leur niveau de connaissance géologique :

  • Inférées : tonnage potentiel,

  • Indiquées : tonnage identifié,

  • Mesurées : tonnage vérifié.


Une ressource est reclassée en réserve lorsqu'une étude démontre qu'elle est techniquement et économiquement exploitable.


Au sein des réserves, on distingue :

  • Réserves probables : potentiel minier basé sur un tonnage identifié,

  • Réserves prouvées : correspond à la production minière effective.


Ainsi, les ressources indiquées deviennent des réserves probables, tandis que les ressources mesurées se transforment en réserves prouvées.


Il est crucial de bien identifier ces termes : production, potentiel minier, réserves, et ressources. Les réserves ne sont pas un indicateur d'épuisement, car elles augmentent avec le temps. Les entreprises maintiennent leurs réserves à environ 40 années de production, renouvelant et augmentant constamment ces réserves pour rassurer actionnaires et investisseurs. Les ressources, en revanche, peuvent indiquer un potentiel d'épuisement, surtout pour les minerais traditionnels (à l'exception des terres rares). La prospection de nouvelles ressources est rare en dehors des minerais traditionnels, et la demande de minerai évolue en fonction des innovations technologiques.


2. Distinction entre ressources minérales, métaux critiques et terres rares

Ressources minérales

Les ressources minérales sont des concentrations naturelles de minéraux dans la croûte terrestre, qui peuvent être extraites de manière économiquement viable. Ces minéraux incluent des métaux comme l'or, le cuivre, et le fer, des minéraux industriels tels que le graphite et le gypse, ainsi que des matériaux de construction comme le sable et le gravier. Ces ressources constituent la base de notre civilisation industrielle, jouant un rôle crucial dans de nombreux secteurs économiques, tels que l'industrie minière, l'énergie, la construction, et la technologie.


L'exploitation des ressources minérales permet de fournir les matières premières nécessaires à la fabrication de divers produits. Par exemple, les métaux sont essentiels pour l'industrie automobile, tandis que les minéraux sont indispensables dans les produits électroniques. De plus, les pierres précieuses extraites des ressources minérales sont largement utilisées dans la bijouterie. Comprendre ces ressources et leur importance stratégique est essentiel pour les entreprises qui cherchent à exploiter leur potentiel économique de manière durable et rentable.


Métaux critiques & stratégiques

Les métaux critiques jouent un rôle central dans la transition énergétique, et incluent des éléments comme le lithium, le cobalt, le nickel, et le manganèse, qui sont devenus incontournables ces dernières années. Ces métaux sont essentiels pour de nombreuses technologies vertes, notamment les batteries pour les véhicules électriques. Cependant, il ne s'agit pas uniquement de métaux rares : des métaux de base plus abondants, comme le cuivre, sont désormais également classés parmi les métaux critiques en raison de leur importance stratégique. En tout, l'Union européenne a identifié 34 métaux critiques, soulignant leur rôle indispensable dans les industries modernes.


Les métaux critiques, comme le nom l'indique, sont essentiels à certaines industries mais peuvent être difficiles à substituer. Leur caractère critique est souvent déterminé par leur importance économique couplée à un risque élevé de pénurie. Concernant leur importance économique, parmi les plus notables, on trouve le cobalt, le lithium, le nickel, et les terres rares, indispensables dans la production de batteries pour véhicules électriques, de smartphones, d'éoliennes, et de panneaux solaires. Concernant le risque de pénurie, aujourd’hui la production des métaux est très concentrée dans certains pays du monde Par exemple, 63 % de la production mondiale de cobalt provient de la République Démocratique du Congo (RDC), tandis que plus de 50 % du lithium mondial est extrait en Australie et au Chili (Source : European Commission, Directorate-General for Internal Market, Industry, Entrepreneurship and SMEs, Grohol, M., Veeh, C., Study on the critical raw materials for the EU 2023 – Final report, Publications Office of the European Union, 2023, lien en fin d'article). L'approvisionnement stable en ces ressources est donc vital pour maintenir le rythme des innovations technologiques et atteindre les objectifs de transition énergétique fixés par les gouvernements à travers le monde.


D'un autre côté, les métaux stratégiques sont ceux dont la maîtrise revêt une importance capitale pour la sécurité nationale et la compétitivité économique. Ces métaux, qui incluent souvent les mêmes que ceux classés comme critiques, sont stratégiques en raison de leur rôle indispensable dans des secteurs clés comme la défense, l'aéronautique, ou encore l'industrie spatiale. Le titane, par exemple, est largement utilisé dans la fabrication d'équipements militaires en raison de sa légèreté et de sa résistance. De même, le tungstène, avec son point de fusion extrêmement élevé, est crucial dans la fabrication d'armes et d'outils de précision. Il est important de noter que la Chine contrôle environ 85 % de la production mondiale de terres rares, ce qui confère à ce pays une position de force dans les négociations internationales.


Terres rares

Les terres rares forment une catégorie spécifique au sein des ressources minérales. Elles regroupent 17 éléments chimiques du tableau périodique, incluant les 15 lanthanides ainsi que le scandium et l'yttrium. Bien que relativement abondants dans la croûte terrestre, ces éléments sont rarement présents en concentrations suffisamment élevées pour être exploités de manière rentable. Les terres rares sont cruciales pour la fabrication de nombreux produits de haute technologie, comme les aimants permanents, les catalyseurs, les batteries rechargeables, les écrans de smartphones, les éoliennes, et les voitures électriques.


Exemples concrets de l'utilisation des ressources minérales

Dans l'industrie automobile, environ 800 kg de différents métaux sont utilisés pour fabriquer une voiture, incluant principalement de l'acier, du cuivre et de l'aluminium. Les terres rares jouent également un rôle essentiel dans cette industrie, notamment pour les aimants des moteurs électriques. De plus, un smartphone de dernière génération contient près de 60 métaux différents, représentant pratiquement toute la table périodique, en raison de la complexité de ses composants tels que les circuits imprimés, les batteries, et les écrans.


Infographie - Métaux rares & terres rares contenus dans nos smartphone et origine géographique des composants. Cette infographie indique les matières premières critiques et stratégiques
Infographie - Métaux rares contenus dans nos smartphone et origine géographique des composants

Autres secteurs

Certaines ressources minérales, comme le charbon (8 gigatonnes par an) ou l'uranium, sont cruciales en tant que sources d'énergie. Dans le secteur des infrastructures, 350 millions de tonnes de granulats sont utilisées chaque année dans la construction, tandis que dans l'agriculture, la consommation croissante de minéraux pour les engrais devient indispensable face à la diminution des terres arables et au besoin d'augmenter les rendements agricoles, créant un cercle vicieux.


La demande en ressources minérales est étroitement liée à la croissance démographique et au PIB d'un pays, mais elle est également influencée par les ruptures technologiques, comme l'essor des téléphones portables et l'engouement actuel pour les voitures électriques. Les métaux sont utilisés dans de nombreuses applications industrielles, couvrant des secteurs aussi divers que l'aéronautique, l'automobile, l'armement, la défense, la santé, le luxe, et le numérique, ce dernier étant un grand consommateur de métaux.


§2 - Enjeux et défis pour les industriels français et européens

Dans le contexte actuel de tensions géopolitiques croissantes, les industriels français et européens font face à des défis majeurs liés à l'accès et à la sécurisation des métaux critiques et stratégiques. Trois aspects clés de cette problématique méritent une attention particulière : les risques géopolitiques exacerbés par la stratégie chinoise, l'émergence des "électro-États" cherchant à maximiser la valeur ajoutée de leurs ressources, et l'impact des sanctions économiques sur les chaînes d'approvisionnement.


1. Les risques géopolitiques

La stratégie de la Chine

La Chine domine aujourd'hui le marché mondial des métaux critiques, ayant acquis une position quasi monopolistique sur de nombreux métaux, soit par l'extraction, soit par le raffinage. Bien que la Chine ne soit que le troisième producteur mondial de lithium, avec 13 % de la production mondiale, elle raffine néanmoins 56 % du lithium, 60 % du cobalt, 67 % du graphite, 83 % du germanium et 90 % des terres rares. Ces chiffres témoignent de la position stratégique de la Chine sur ces ressources essentielles. En France, où la transition énergétique et la souveraineté industrielle sont des sujets brûlants, cette domination chinoise révèle une dépendance minérale critique, remettant en question la souveraineté nationale sur ces métaux vitaux.


Le premier défi majeur auquel le monde fait face en matière de métaux critiques est donc lié aux risques géopolitiques, notamment à la stratégie délibérée de la Chine. Depuis les années 1980, les pays occidentaux ont délocalisé leurs activités minières en raison de leurs impacts environnementaux, permettant à la Chine de s'emparer de ce secteur et de s'imposer comme un acteur incontournable sur la scène mondiale. La Chine a transformé les métaux en un levier essentiel de sa puissance internationale, en assurant une maîtrise complète de l'extraction.



En plus de disposer de vastes ressources minérales dans son sous-sol, la Chine a mené, depuis une quinzaine d'années, une politique d'investissements massifs dans les mines à travers le monde. Entre 2005 et 2021, ses investissements directs à l'étranger dans le secteur minier ont atteint 125 milliards de dollars, une somme équivalente au Plan Marshall déployé par les États-Unis pour la reconstruction de l'Europe après la Seconde Guerre mondiale.


Une fois solidement implantée dans l'extraction, la Chine a progressivement descendu la chaîne de valeur, en prenant des positions dominantes dans le raffinage des métaux. Cette stratégie s'inscrit dans une ambition claire : devenir la première puissance industrielle et technologique mondiale. Cette ambition se traduit par une priorité donnée à son industrie nationale, qui consomme aujourd'hui 30 % de la production mondiale de métaux, contre 20 % pour l'ensemble de l'Europe. Une fois les besoins domestiques satisfaits, la Chine exporte le reste, utilisant des restrictions sur les exportations comme un levier de pression géopolitique.


En 2010, par exemple, la Chine a déclenché une crise des terres rares suite à un incident diplomatique avec le Japon. Plus récemment, dans le cadre des tensions économiques avec les États-Unis, Pékin a imposé des restrictions sur l'exportation de métaux stratégiques, limitant en août 2023 les exportations de gallium et de germanium, puis en octobre le graphite, et en décembre, les technologies d'extraction et de séparation des terres rares.


Il est probable que cette stratégie de long terme ne fasse que commencer. À l'avenir, la Chine pourrait bien cesser d'exporter des métaux raffinés pour se concentrer sur l'exportation de produits finis issus de la transition énergétique, consolidant ainsi sa position de leader mondial dans les technologies de demain.


La stratégie des "électro-états"

La stratégie des "électro-États" émerge comme une réponse aux dynamiques globales de la transition énergétique. De nombreux pays miniers, notamment en Afrique, en Amérique latine et en Asie, ne souhaitent plus se contenter de commercialiser leurs ressources sous forme de minerais bruts. À la place, ils visent à capturer une plus grande part de la valeur ajoutée en aval, en s'inspirant directement de la stratégie chinoise. Ces pays cherchent à maximiser les bénéfices issus de leurs ressources naturelles en intégrant davantage de processus de transformation et de production sur leur propre sol.



Un exemple marquant est celui du Mexique, qui a annoncé en 2022 la nationalisation de son lithium, une ressource cruciale pour les batteries électriques. De son côté, le Brésil, sous l'impulsion de Lula, envisage d'augmenter les taxes sur ses produits miniers, cherchant ainsi à accroître les revenus issus de cette industrie stratégique. En Indonésie, le gouvernement a exprimé sa volonté d'imposer un embargo sur l'exportation de matières premières minérales, tout en encourageant la construction de gigafactories sur son territoire. L'objectif est clair : transformer le pays en un hub industriel pour la production de batteries et d'autres technologies liées à la transition énergétique.


Reste à voir si ces pays réussiront à concrétiser leurs ambitions, mais la tendance est indéniable. Ils ont tous bien compris la leçon des "pétro-États", ces pays qui ont su tirer parti de la valeur ajoutée générée par le raffinage et la transformation de leurs ressources énergétiques. Aujourd'hui, dans le contexte de la transition énergétique, de nombreux pays souhaitent également se positionner en aval de la chaîne de valeur des métaux critiques, pour ne pas se contenter d'être de simples fournisseurs de matières premières, mais devenir des acteurs clés dans la production des technologies de demain.


Les sanctions économiques : un facteur de risque majeur

Nous évoluons dans un contexte géopolitique particulièrement tendu, marqué par la recrudescence des conflits et l'imposition de sanctions économiques en réponse à ces crises. Ces sanctions ont des répercussions directes sur l'approvisionnement en matières premières stratégiques, perturbant des chaînes d'approvisionnement globales et fragilisant des industries entières.


Un exemple frappant est celui de Rusal, le géant russe de l'aluminium, qui en 2018 s'est retrouvé sévèrement affaibli par les sanctions économiques imposées par les États-Unis en représailles à l'annexion de la Crimée par la Russie. À cette époque, Rusal était le fournisseur quasi exclusif d'aluminium pour les entreprises françaises et européennes, couvrant plus de 80 % de leurs besoins. L'impact des sanctions a été immédiat et significatif : les industriels européens se sont soudainement retrouvés sans approvisionnement fiable, provoquant une envolée des prix de l'aluminium qui a atteint son plus haut niveau en trois ans sur le London Metal Exchange (LME).


Un autre cas préoccupant concerne l'approvisionnement en titane, crucial pour l'industrie aéronautique. VSMPO, entreprise russe qui commercialise environ 30 % du titane mondial, dont du titane de qualité aéronautique, n'a pas été directement visée par les sanctions de l'Union européenne au début de la guerre en Ukraine. Cependant, l'incertitude persistante autour de cette situation a poussé les industriels du secteur à rechercher de nouvelles sources d'approvisionnement, soulignant ainsi la vulnérabilité de l'industrie face à de potentielles interruptions dans la chaîne d'approvisionnement.


Les sanctions économiques représentent donc un facteur de risque considérable pour l'accès aux métaux critiques et stratégiques. Leur impact sur les marchés mondiaux est tangible et doit être suivi de près, car toute escalade des tensions géopolitiques pourrait entraîner des ruptures d'approvisionnement, des hausses de prix significatives et des perturbations majeures pour les industries dépendantes de ces ressources.


2. Les risques environnementaux, sociétaux et de réputation

Les activités minières, souvent concentrées dans des pays où les réglementations environnementales et sociétales sont peu respectées, entraînent des impacts sévères sur l'environnement et la société. Les conséquences incluent le rejet de métaux lourds, de mercure, d'arsenic, et d'éléments radioactifs, ainsi que la contamination des eaux et des nappes phréatiques. On observe également une disparition de la biodiversité sur les sites miniers et leurs environs, ainsi qu'une consommation excessive d'eau. À cela s'ajoutent des conditions sociétales préoccupantes, notamment le travail illégal, le travail des enfants, avec des mineurs travaillant parfois des shifts de 24 heures pour un salaire dérisoire de 2 dollars par jour. Face à ces réalités, les ONG ont pris position. Par exemple, dès 2016, Amnesty International a dénoncé les conditions de travail en République Démocratique du Congo (RDC) dans l'extraction du cobalt, où les mineurs, souvent des enfants, travaillaient sans équipement de protection adéquat. En 2019, la situation s'est intensifiée lorsque l'International Rights Advocates (IRA), équivalent américain des associations de défense des droits de l'homme, a déposé une plainte contre cinq géants de la tech (Apple, Tesla, Microsoft, Google, et Dell) pour avoir « sciemment encouragé l'exploitation cruelle et brutale de jeunes enfants ». Cette situation survient dans un contexte où les consommateurs commencent à exiger des comptes, demandant aux entreprises une vigilance accrue quant aux conditions d'extraction de ces matières premières.



Les défis systémiques liés aux prix des métaux

Le premier défi, extrêmement systémique, concerne la hausse rapide et soutenue des prix des métaux dans un contexte d'explosion de la demande mondiale. La consommation de métaux pour les deux prochaines décennies est attendue en forte augmentation. Selon un rapport de 2021 de l'Agence Internationale de l'Énergie, pour respecter les objectifs de l'Accord de Paris de limiter le réchauffement à 2°C, il faudrait en 2040 produire et consommer 42 fois plus de lithium qu'en 2020. Cette multiplication par 42 concerne également d'autres métaux essentiels aux batteries, comme le cobalt et le graphite. La production attendue de terres rares devrait quant à elle être multipliée par 7. Un chiffre frappant est fourni par le CNRS concernant le cuivre, un métal critique indispensable à la transition énergétique, utilisé tant pour les batteries que pour le raccordement des éoliennes et des bornes de recharge des véhicules électriques. La consommation de cuivre au cours des 30 prochaines années devrait équivaloir à la consommation mondiale totale des 70 000 années précédentes. Entre 25 % et 40 % de cette consommation future sera destinée spécifiquement aux besoins de la transition énergétique, soulignant l'ampleur des besoins à venir.


Le décalage entre la demande et la capacité de production minière

Cependant, la production minière est un processus long, et ne peut répondre instantanément aux besoins croissants, notamment ceux liés à la transition énergétique et numérique. Ce décalage structurel entre l'augmentation rapide de la demande et la capacité limitée de l'industrie minière à fournir ces matériaux conduit à une hausse continue et structurelle des prix des métaux pour les décennies à venir, une tendance confirmée par divers rapports, dont celui du Fonds Monétaire International. En outre, cette situation est aggravée par une forte volatilité des prix, alimentée par une conjoncture économique instable. Par exemple, les prix du lithium, qui étaient d'environ 6 500 €/tonne en janvier 2021, ont grimpé à 78 000 €/tonne en novembre 2022, avant de retomber à 15 000 €/tonne en mars 2024. Cette volatilité est en partie due aux fluctuations de la demande, notamment celle des véhicules électriques en Chine. De manière similaire, le prix du nickel a été multiplié par 2,4 entre janvier 2020 et mars 2022, avant de redescendre. Pour le cobalt, les prix ont connu une hausse de 42 000 $/tonne en janvier 2020 à 81 000 $/tonne en mars 2022, avant de chuter à 28 000 $/tonne en mars 2024. Cette volatilité des prix affecte inévitablement les marges financières des industries dépendantes de ces ressources.


Les crises géopolitiques et leurs répercussions sur le marché des métaux

En outre, les crises géopolitiques constituent une menace constante pour la stabilité des marchés des métaux. Un exemple notable est l'embargo chinois sur les terres rares, qui a duré six mois, durant lequel la Chine a cessé ses exportations de ces matériaux critiques vers le Japon et les États-Unis. Ce blocage a provoqué une flambée spectaculaire des prix, avec des augmentations allant jusqu'à 1 400 % pour certaines terres rares, exacerbées par une forte spéculation. Ces crises géopolitiques illustrent la fragilité des chaînes d'approvisionnement en métaux critiques et l'importance de surveiller étroitement ces risques économiques, qui peuvent avoir des répercussions majeures sur les industries mondiales.


3. Le risque réglementaire

Aujourd'hui, les entreprises opèrent dans un environnement marqué par une inflation législative et réglementaire, qui les contraint à une vigilance accrue.


La loi Pacte

En France, la loi Pacte et la loi sur le devoir de vigilance imposent aux entreprises des obligations rigoureuses en matière de responsabilité.


Réglement sur les batteries et CS3D

Sur le plan européen, le règlement sur les batteries, adopté en juillet 2023, renforce encore ces exigences. Les industriels doivent désormais établir une cartographie précise de leur chaîne d'approvisionnement, remontant jusqu'à la mine d'origine, peu important le positionnement dans la chaîne de valeur. Ils sont tenus d'identifier et de vérifier les conditions dans lesquelles les métaux qu'ils utilisent, sous forme de technologies vendues, ont été extraits et produits. Cette évolution réglementaire impose aux acteurs économiques français et européens un devoir de vigilance renforcé.


Le non-respect de ces obligations expose les entreprises à des sanctions réglementaires sévères, telles que prévues par la directive CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive). Cette directive, fruit de négociations intenses entre les pays européens, notamment la France et l'Allemagne, est entrée en vigueur récemment, avec un délai de deux ans pour sa transposition en droit national, y compris en France. En cas de manquement aux devoirs de vigilance, les entreprises étrangères pourraient être exclues des marchés publics européens, tandis que les entreprises européennes et étrangères s'exposent à des amendes pouvant atteindre 5 % de leur chiffre d'affaires, voire plus.


Réglement Critical Raw Materials Act (CRMA)

Autre évolution au niveau européen, l'Union européenne a adopté le Critical Raw Materials Act (CRMA), un règlement visant à sécuriser l'approvisionnement en matières premières critiques, entré en vigueur le 23 mai 2024. Ce texte vise à diversifier l'approvisionnement, renforcer le recyclage et soutenir l'innovation, tout en fixant des objectifs pour réduire la dépendance vis-à-vis des pays tiers et accélérer les autorisations pour des projets stratégiques. Les États membres doivent également établir des programmes d'exploration et d'économie circulaire, avec des sanctions prévues en cas de non-conformité.


Dates butoirs pour les États membres :

  • 23 mai 2024 : Entrée en vigueur du règlement.

  • 24 février 2025 : Désignation des autorités pour les projets stratégiques.

  • 24 mai 2025 : Élaboration des programmes nationaux d'exploration.

  • 24 novembre 2026 : Détermination des régimes de sanctions.

  • 24 mai 2027 : Adoption de programmes nationaux pour l'utilisation des matières premières secondaires.

  • 24 mai 2028 : Évaluation de la législation par la Commission européenne.


Ce cadre vise à garantir la transition écologique et numérique de l'UE en sécurisant les matières premières critiques indispensables à ces transitions.


Activisme

En outre, ce risque réglementaire se manifeste quotidiennement par l'activisme croissant des organisations non gouvernementales (ONG). Ces dernières utilisent de plus en plus cette réglementation stricte pour faire pression sur les entreprises. Des ONG telles que Sherpa et Greenpeace sont particulièrement actives dans ce domaine, intentant des actions en justice pour non-respect du devoir de vigilance. À ce jour, 18 plaintes ont été déposées par ces ONG contre diverses entreprises françaises, parmi lesquelles figurent des noms tels que Total, Carrefour et Yves Rocher, pour manquement à leurs obligations de vigilance.


En résumé, les types de risques auxquels sont confrontés les industriels français et européens se répartissent en plusieurs catégories : géopolitiques, sociétaux et de réputation, économiques, et réglementaires.


Conclusion générale

Les métaux critiques et stratégiques sont au cœur des enjeux économiques et géopolitiques contemporains. Leur rôle dans la transition énergétique, couplé aux risques associés à leur extraction et à leur distribution, place les industriels devant des défis colossaux. La dépendance vis-à-vis de pays producteurs comme la Chine, la volatilité des prix sur les marchés mondiaux, et les nouvelles régulations strictes imposées par les gouvernements européens nécessitent une vigilance accrue. Les entreprises doivent non seulement s'adapter à un cadre réglementaire en constante évolution, mais aussi anticiper les fluctuations du marché et les tensions géopolitiques pour sécuriser leurs approvisionnements. Dans ce contexte, il est crucial de développer des stratégies résilientes et innovantes pour naviguer dans un environnement où la maîtrise des métaux critiques déterminera en grande partie la compétitivité industrielle et la souveraineté économique des nations.


 

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