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Stratégies de décarbonation de l'administration publique


Cet article, inspiré par le podcast très complet Time To Shift produit par Les Shifters, se penche sur une problématique aussi paradoxale que cruciale : l'empreinte carbone de l'administration publique. Alors que cette dernière incarne l'effort collectif pour le bien commun, elle est également responsable d'une part non négligeable des émissions de gaz à effet de serre en France.

 




Avec près de 6 millions d'agents publics, représentant environ 20 % de la population active, l'administration publique a un impact significatif sur l'environnement. Comment ce secteur, essentiel à la continuité des services publics, peut-il s'engager dans une transition écologique sans compromettre ses missions ? Cet article explore les défis, les contraintes, mais aussi les opportunités que présente la décarbonation de l'administration publique, en proposant des pistes concrètes pour faire de cette transition une réalité.


La décarbonation de l'administration publique : Un enjeu majeur pour la transition écologique

L'administration publique regroupe un ensemble varié de services incluant l'État, les collectivités territoriales, l'hôpital public, les écoles, les casernes militaires, la gestion des déchets, les bibliothèques, les tribunaux, et bien plus encore. Ces services, qui font partie intégrante de notre quotidien, emploient près de 6 millions de personnes, soit environ 20 % de la population active en France.


Le rôle de l'administration publique dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre est crucial. Outre les émissions directes, comme celles générées par une voiture de police en service, l'administration publique possède une influence significative sur l'ensemble de la société. Imaginez l'impact si chaque service public prenait en compte les émissions de carbone dans le choix de ses fournisseurs et prestataires, et multipliait les initiatives pour proposer des services décarbonés. Cela pourrait constituer un levier puissant pour accélérer la transition vers un avenir plus durable.


Mais comment concrètement mettre en œuvre cette décarbonation de l'administration publique ?

 

Portrait de l'administration publique face à ses émissions de gaz à effet de serre

Un engagement croissant pour la décarbonation

À première vue, l'administration publique affiche un engagement de plus en plus marqué pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les décideurs et agents publics s'investissent dans des initiatives telles que les labels "Service public éco-responsable", les slogans "zéro déchet", et les ambitions pour des "territoires durables". Cependant, en pratique, il reste difficile de dépasser les actions de base comme le recyclage du papier et du plastique. Les initiatives d’envergure, qui nécessitent des ressources substantielles pour leur mise en œuvre, sont encore trop rares et parfois avortées.

 

Les nouvelles obligations légales : un accélérateur de la transition

Récemment, de nouvelles obligations légales ont vu le jour, telles que la rénovation des bâtiments, l'amélioration de la restauration collective responsable, ou encore la transition vers un parc automobile électrique. Ces mesures ont contribué à accélérer quelque peu le mouvement vers la décarbonation de l'administration publique. Toutefois, ces efforts restent insuffisants pour atteindre les objectifs climatiques fixés.

 

Le défi des données chiffrées : une vision floue des émissions

L'un des principaux obstacles à la décarbonation de l'administration publique est l'absence de données chiffrées précises sur les émissions de gaz à effet de serre. De nombreuses structures publiques ne disposent pas encore d'un bilan de leurs émissions directes, malgré les obligations légales. Les bilans carbone réalisés font souvent l'impasse sur les émissions indirectes, telles que celles des fournisseurs, les déplacements domicile-travail des agents, ou les trajets des usagers. Cette absence de données complètes rend difficile l’identification des priorités et la mise en place d’actions efficaces pour réduire les émissions.

 

La taille de l'administration publique : un levier sous-exploité

Avec près de 6 millions d'agents en contact permanent avec l'ensemble de la société, l'administration publique pourrait jouer un rôle clé dans la réduction généralisée des émissions. Pourtant, elle n'exploite pas pleinement ses leviers d'action. Par exemple, toutes les écoles n'offrent pas encore de repas durables dans les cantines scolaires, malgré les bénéfices évidents pour la réduction des émissions et la sensibilisation des jeunes générations. De même, la transition vers les transports en commun, le covoiturage, et les véhicules électriques pourrait diviser par dix les émissions de CO2 liées aux déplacements, redéfinissant ainsi les symboles de réussite et de pouvoir au sein de l'administration.

 

Le sujet énergie-climat : un enjeu traité à court terme

Le sujet énergie-climat au sein de l'administration publique reste souvent traité de manière isolée et à court terme, selon les budgets annuels. Or, des décisions structurantes, comme l'organisation des réseaux d'eau ou la rénovation énergétique des bâtiments, doivent être envisagées sur des périodes de 30 à 50 ans. Pour que la décarbonation de l'administration publique soit efficace, il est essentiel d'adopter une vision à long terme et d'intégrer ces enjeux dans toutes les décisions.

 

Comment améliorer la situation et décarboner l'administration publique tout en assurant sa résilience ?

Face à ces défis, le Shift Project propose un ensemble de mesures concrètes pour la décarbonation de l'administration publique, que tout décideur, agent public ou citoyen peut consulter en détail. Au-delà des leviers techniques pour réduire les émissions liées aux déplacements professionnels, aux bâtiments ou au numérique, le Shift Project identifie quatre axes principaux pour une décarbonation réussie.

 

Axe 1 - Réaliser un bilan carbone et un diagnostic de résilience

Chaque structure publique doit commencer par réaliser un bilan carbone et un diagnostic de résilience. Ces bilans permettront d’établir un état des lieux et de guider toute réorganisation future. Le développement d'outils pratiques pour évaluer et comparer l'empreinte carbone des principaux biens, services, et travaux acquis via la commande publique est également essentiel. Ces données, ainsi que la documentation existante, pourraient être centralisées dans un centre de ressources sur la décarbonation interne des administrations, clairement identifié par les agents et facilement accessible via une plateforme dédiée.

 

Axe 2 - Remettre la décarbonation en haut de la pile des priorités

La décarbonation de l'administration publique doit devenir une priorité visible et soutenue par les plus hauts responsables : le gouvernement pour l'État, le maire pour la commune, etc. Chaque ministère pourrait établir un plan climat incluant la décarbonation et l’amélioration de la résilience des structures sous sa responsabilité. Ces plans seraient présentés annuellement au Parlement, créant ainsi une émulation au sein de l’administration publique et faisant de la décarbonation un véritable enjeu électoral.

 

Axe 3 - Intégrer la décarbonation dans les décisions budgétaires

L’intégration d'objectifs et d'indicateurs carbone dans toutes les décisions administratives, en particulier dans les programmes budgétaires, est cruciale. Pour les collectivités, il est conseillé d'ajouter une annexe "budget vert" qui analyserait les dépenses en fonction de leur impact environnemental. De plus, conditionner certaines aides à l'investissement, comme celles pour les bâtiments publics, à la réalisation de bilans carbone et à l'atteinte d'objectifs vérifiables, pourrait encourager les grands changements. Un fonds d'appui à la décarbonation de l'administration publique pourrait également fournir le soutien financier nécessaire pour initier ces transformations.

 

Axe 4 - Former et sensibiliser les agents publics aux enjeux énergie-climat

Il est essentiel d'intégrer les enjeux énergie-climat dans la formation initiale de chaque agent public et de proposer des modules de formation continue obligatoires pour les évolutions de carrière. Tous les agents, qu'ils soient dans les services financiers, les ressources humaines, les équipes informatiques, ou encore dans la logistique, ont un rôle à jouer dans la décarbonation. Ce processus devrait également inclure les ministres, leurs cabinets, et les nouveaux élus des exécutifs locaux, qui devraient suivre ces formations. Le Shift Project recommande de faire de ces enjeux un sujet de discussion dans les instances de dialogue social et de les intégrer dans les objectifs des agents. Encourager et valoriser les initiatives individuelles et collectives sera la clé du succès de la décarbonation de l'administration publique.

 

Une approche globale et simultanée pour maximiser l'impact

Une fois les actions identifiées, la question du délai et de l'ordre de mise en œuvre se pose. La réponse est simple : toutes ces mesures sont complémentaires et doivent être mises en œuvre simultanément. Par exemple, la limitation des déplacements doit aller de pair avec l'acquisition d'outils numériques performants, tout en veillant à leur sobriété et résilience. Les enjeux énergie-climat doivent être inscrits dans les outils de planification des investissements immobiliers, informatiques, etc., avec une vision à long terme. Certaines actions, comme l'achat de véhicules électriques ou la rénovation des bâtiments, peuvent coûter plus cher à court terme, mais génèreront des économies à long terme.

 

En parallèle, la sobriété, la réutilisation, et la réduction du gaspillage, notamment dans les cantines, peuvent compenser le surcoût d'un achat décarboné. Sur le plan des ressources humaines, il ne s'agit pas d'augmenter la charge de travail des agents, mais de modifier le contenu des missions. La coordination entre les services concernés sera essentielle pour garantir la cohérence et l'efficacité des mesures. Si ces actions sont initiées immédiatement et simultanément, la décarbonation de l'administration publique pourrait commencer à porter ses fruits dans cinq ans et se déployer progressivement jusqu’en 2050, notamment pour les domaines les plus lourds en investissements, comme les bâtiments publics et les infrastructures routières.


À quoi ressemblerait une administration publique décarbonée ?

Une administration publique décarbonée se caractériserait par une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre. En matière de consommation énergétique des bâtiments, du parc automobile, des déplacements domicile-travail et de la restauration collective, cette réduction pourrait atteindre 80 % d'ici à 2050.


Réduction des émissions et maîtrise des dépenses publiques

Cette maîtrise des émissions irait de pair avec une meilleure gestion des dépenses publiques. À long terme, l'administration bénéficierait largement de la sobriété accrue en énergie fossile, avec des économies substantielles. En termes d'emploi, la décarbonation serait plutôt neutre en volume, mais positive en qualité. Les agents publics seraient mieux formés, et les fonctions support verraient leur image revalorisée, devenant centrales dans la mise en œuvre des actions nécessaires. Il n’y aurait pas besoin de réduire le nombre de fonctionnaires ni d'abandonner des missions, même celles considérées comme trop émettrices, car une politique publique volontariste sera essentielle pour décarboner l’économie et la société.


Amélioration de la qualité de vie au travail

La qualité de vie au travail des agents publics pourrait également s'améliorer grâce à une généralisation du télétravail, soutenue par de meilleurs outils numériques et un changement culturel favorisant davantage la concertation et la valorisation des initiatives individuelles. Ces améliorations font partie des objectifs structurants du plan de transformation de l’économie française proposé par le Shift Project.


Modernisation et renforcement de l’image de l’administration publique

La décarbonation de l'administration publique offrirait également des bénéfices additionnels. Elle contribuerait à moderniser et améliorer l'image que les citoyens, ainsi que les agents eux-mêmes, ont de l'administration. En jouant pleinement son rôle d'exemple, voire d'avant-garde, l'administration publique pourrait entraîner dans son sillage la société civile, gagnant ainsi en compétence et en légitimité pour accompagner la décarbonation du secteur privé et de l’ensemble de la société.


Consolidation de l’accès au service public

En réduisant sa dépendance aux énergies fossiles, l'administration publique renforcerait sa résilience face à la raréfaction des ressources énergétiques actuelles. Cela garantirait la continuité du service public sur le long terme, même dans un contexte de transition énergétique.

 

Une opportunité de modernisation

Pour l'administration publique, la décarbonation n'est pas seulement une obligation légale, mais aussi une opportunité de modernisation. Cette transition vers une administration décarbonée pourrait être vue comme une cure de jouvence, permettant à l'administration de rester efficace et pertinente dans un monde en évolution.


Les contraintes spécifiques à la transition énergétique de l'administration publique


Lorsqu'il s'agit de la décarbonation de l'administration publique, plusieurs contraintes spécifiques se posent, rendant la transition énergétique à la fois unique et complexe.


Des contraintes spécifiques

1. Maintien des services pendant la transition

La première contrainte, et probablement la plus importante, est la nécessité de continuer à assurer les missions de service public pendant la transition. Contrairement à d'autres secteurs, l'administration publique ne peut pas "fermer pour rénovation". Les services publics doivent rester opérationnels, même en pleine transition vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cela exige une planification minutieuse pour s'assurer que les travaux de rénovation énergétique, par exemple, ne perturbent pas la continuité du service.

 

2. Des leviers d'action différents du secteur privé

Une autre contrainte réside dans la nature des leviers disponibles pour la décarbonation de l'administration publique, qui diffèrent de ceux du secteur privé. Par exemple, si l'on peut interdire aux constructeurs automobiles de vendre des véhicules trop polluants, il est impensable de fermer un service public tel qu'un bureau de permis de conduire ou une caserne de pompiers parce qu'ils n'ont pas réduit leurs émissions. L'administration doit donc utiliser des outils spécifiques et adaptés pour atteindre ses objectifs de réduction des émissions tout en assurant la continuité de ses services.

 

Les atouts de l'administration publique pour la décarbonation

Malgré ces contraintes, l'administration publique dispose de plusieurs atouts qui peuvent faciliter sa transition énergétique.

 

1. Des procédures bien établies pour le changement

Un des principaux atouts de l'administration publique est l'existence de procédures bien établies qui peuvent être utilisées pour initier des changements profonds. Ces procédures, qui font partie intégrante du fonctionnement administratif, permettent de structurer et de piloter efficacement des transformations importantes.


2. Une culture de la modernisation

Bien que l'administration publique ne soit pas toujours perçue comme un modèle de modernité, elle a, au cours des dernières décennies, mis en œuvre des changements significatifs, notamment à travers la numérisation et la modernisation des processus. Ce savoir-faire en matière de transformation interne est un avantage clé pour réussir la transition vers une administration décarbonée.


3. Le sens de l'intérêt général et la motivation des agents publics

Peut-être l'atout le plus important est le sens de l'intérêt général profondément ancré chez de nombreux agents publics. Cette motivation à servir le bien commun, combinée à un engagement croissant pour la transition bas carbone, est un puissant levier pour mener à bien cette transformation. Les débats autour de la construction du rapport de décarbonation ont mis en lumière cette motivation, qui sera essentielle pour surmonter les défis de la transition énergétique.

 

Conclusion

La décarbonation de l'administration publique représente bien plus qu'une simple obligation légale ; c'est une véritable opportunité de modernisation pour un secteur au cœur de la société. En s'attaquant aux émissions de gaz à effet de serre, l'administration ne se contente pas de réduire son empreinte environnementale, elle se positionne également en leader de la transition écologique. Les défis sont nombreux, qu'il s'agisse de maintenir les services publics tout en opérant des transformations profondes, ou d'adapter les outils et les leviers d'action propres au secteur public. Pourtant, les atouts de l'administration, notamment son sens de l'intérêt général et son savoir-faire en matière de modernisation, offrent une base solide pour réussir cette transition. En adoptant une approche globale, en impliquant tous les niveaux de décision et en valorisant les initiatives individuelles, l'administration publique peut non seulement atteindre ses objectifs climatiques, mais aussi renforcer sa résilience et son efficacité à long terme. La route vers une administration décarbonée est pavée de défis, mais elle est aussi riche de promesses pour un avenir plus durable.


 

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